Dans ce que la mairie de Paris appelle un budget participatif, « un habitant » du dix-huitième arrondissement a proposé la destruction du Sacré-Cœur, annonce, ce 28 février 2017, le quotidien Libération.

La proposition est faite sous pseudonyme. Le pseudonyme choisi étant Nathalie Lemel, je propose de continuer cet article en parlant plutôt d’une habitante.

Le Sacré-Coeur est une verrue versaillaise qui insulte la mémoire de La Commune de Paris. Le projet consiste en la démolition totale de la basilique lors d’une grande fête populaire.

Dit-elle.

D’accord avec elle, c’est une insulte. Et en plus, c’est moche, très moche.

Le Sacré-Cœur, le voici à sa vraie place

pignonernestcommune

avec les victimes (Ernest Pignon-Ernest, 1971, pour le centenaire de la Commune).

D’accord avec Nathalie Lemel, surtout, oui, pour une fête populaire. Surtout pour ramener un peu de mémoire, de conscience historique.

Je me permets, dans l’esprit des articles « Non, la Commune n’a pas » de ce site, de faire quelques commentaires sur l’article de Libération dans lequel j’ai découvert cette proposition.

Promenez-vous dans Paris : leurs [celles des communards] traces sont rares, peu visibles et peu honorées. Il y a le Mur des fédérés, qui rend hommage aux soldats communards abattus le long du cimetière du Père-Lachaise ;

Non, le mur des Fédérés rend hommage « Aux morts de la Commune, 21-28 mai 1871 », à tous, et pas seulement à ceux abattus là.

dscn4934_2

à Belleville, deux plaques commémorent la dernière barricade ;

Je ne sais pas où sont les deux plaques de Belleville [ajouté le 4 juin 2023: un lecteur (que je remercie) me dit qu’il y en a une à l’angle des rues Jouye-Rouve et de la Ferme de Savy, à une entrée du parc de Belleville.]. Il y en a une rue de la Fontaine-au-Roi, je ne suis pas sûre que ce soit encore Belleville. Il est vrai que cette plaque honore surtout ceux qui l’ont posée.

une autre, à l’Hôtel de Ville, en hommage aux élus de la Commune. Il y a bien une petite place de la Commune de Paris, dans le XIIIe arrondissement. Mais c’est tout.

Pas tout à fait.

Il y a aussi un discret hommage du Sénat au Luxembourg.

Pas une statue, pas un monument, pas un Sacré-Cœur.

Statue de qui?

Encore les victimes?

Le communard inconnu? Mais ce sont tous des inconnus.

J’avoue préférer les jardins… et celui qui monte au Sacré-Cœur porte le nom de Louise Michel.

J’avais cru comprendre que la station de métro Belleville allait s’appeler « Belleville Commune de Paris ».

On a « réhabilité » les communards, ce que je considère comme une sorte de blague, mais voilà, c’est fait.

Je rappelle que les programmes d’histoire des lycées et collèges omettent la période comprise entre 1860 et 1880.

D’accord avec Nathalie Lemel pour la fête populaire! D’accord pour que l’on parle de la Commune de Paris! Après plus de cent soixante articles sur ce site, je ne vais pas dire le contraire!

Parlons-en, parlons-en encore, pas nécessairement pour donner du confort moral à un personnel politique qui n’en a pas grand chose à faire… mais plutôt pour s’emparer des questions que la Commune a posées et qui sont toujours ouvertes. Voir par exemple le décret sur la fermeture des ateliers. Ou d’autres essais de mesures socialistes (au sens propre, pas au sens du « socialisme » de la loi travail).

Post-scriptum.

Ce n’est pas la Commune, mais c’est Montmartre… Je rappelle qu’il a existé, à proximité immédiate du Sacré-Cœur, une statue du Chevalier de la Barre, vous savez, ce jeune homme du dix-huitième (siècle) qui a été sauvagement torturé et exécuté parce qu’il n’avait pas ôté son chapeau au passage d’une procession. Il y a toujours une rue qui porte ce nom, mais la statue a été fondue pendant l’Occupation, au cours de ce qu’un ministre collaborateur et néanmoins français a appelé une

juste et salutaire révision de nos gloires

— ce dont j’ai déjà parlé à propos de la statue de Voltaire (mais, du Chevalier de la Barre, une (nouvelle) statue se trouve dans le square Nadar). En cette époque de tous les intégrismes, je ferais bien la fête aussi pour honorer ce jeune homme! Et je suis bien certaine qu’aucun communard n’aurait vu d’inconvénient à ce que nous le fêtions avec eux.

*

Je renvoie au site d’Ernest Pignon-Ernest pour son intervention au Sacré-Cœur sur la Commune en 1971.

Les autres photographies qui illustrent cet article ont été faites par l’auteur.