Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.
Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.
83. Samedi 12 mars 1870
NOUVELLES DE PÉLAGIE
Le public me saura gré, j’en suis sûr, de remplacer l’article que j’avais promis à la Marseillaise, par l’énoncé des mesures incroyables qui viennent d’être prises contre trois des détenus à Pélagie pour délit de presse.
Je sais de source certaine que les citoyens Henri Rochefort, Pasc[h]al Grousset et Eugène Mourot, l’ancien gérant du Père Duchêne, sont, depuis deux jours, au secret le plus absolu.
M. Pascal Grousset ne peut voir ni son père, ni sa mère, ni ses sœurs, et M. Mourot est dans le même cas.
Quant au député de la première circonscription de Paris, non-seulement toute communication avec qui que ce soit lui est interdite, mais on lui a signifié qu’il ne verrait même plus sa fille qui a treize ans et demi, ni son garçon qui en a huit.
Les motifs de cette rigueur sans nom étant inexplicables, on n’a pas daigné les leur expliquer.
Le bruit court dans la prison que la mesure a été provoquée par les articles qui ont paru signés des trois détenus, dans le numéro extraordinaire d’avant-hier.
Cette assertion est certainement erronée. Pas un ministre, si effronté qu’il soit, n’oserait enlever à un prisonnier le droit d’écrire quand, pendant cinq ans, celui de Ham a passé le temps de son incarcération à injurier librement, dans tous les journaux d’alentour, le gouvernement dont il avait reçu une première fois sa grâce.
Aussi la version la plus accréditée est elle celle-ci:
Il y a environ huit jours, le citoyen Rochefort fut réveillé au milieu de la nuit par des douleurs d’intestins qui aboutirent à des vomissements d’une violence extrême, lesquels durèrent environ cinq heures.
Pendant quatre jours, les douleurs d’entrailles continuèrent, et c’est seulement depuis quarante-huit heures qu’elles se sont calmées.
Il est probable que le gouvernement tenait à ne pas instruire les électeurs de cette particularité, et on a pensé que le meilleur procédé pour ne pas ébruiter le mystère, était de mettre notre député au secret.
C’est égal, voilà pour arrêter les vomissements, un remède réellement impérial.
HENRI DANGERVILLE
C’est comme ça que ça commence, et c’est bien entendu une provocation de Rochefort, pour montrer qu’il peut quand même faire passer ses articles (si j’en crois Olivier Pain, c’était par son fils, à qui il les lançait…) ;
n’empêche, on ne peut pas le voir; Louis Noir, qui en aurait bien besoin, pour la préparation du procès, écrit à Pietri en ce sens ;
soixante-quatorze détenus de la Santé ont été perquisitionnés et emmenés à Mazas,
dont le régime est beaucoup plus dur
(Dereure nous donnera des détails dans le numéro daté du 18 mars) ;
dois-je dire que le feuilleton, dont le dernier épisode date du 8 mars, n’est toujours pas là ?;
deux coquilles dont une jolie dans une des « Nouvelles politiques » qui va avoir des suites, M. Perrus, qui est mort et devra être remplacé, s’appelait Parrus et était député du Rhône et pas du Rhin… ;
Montpayroux, un député vivant, mais pas content, a écrit au journal et le comité de rédaction (en les personnes d’Arthur Arnould, A. de Fonvielle et Barberet) a décidé de ne pas publier sa lettre ;
dans son « courrier politique », Arthur Arnould envisage les manœuvres de diversion possibles (de la part du gouvernement) ;
manœuvres politicardes encore, Picard et Favre avec Ollivier ;
rien de passionnant à « La Chambre » ;
Collot fait le point de tout ce qui ne va pas dans l’ « Affaire Pierre Bonaparte » ;
dans le « Bulletin du mouvement social », Verdure se souvient peut-être qu’il est instituteur, en tout cas, à propos des sociétés d’éducation, il cite un long décret de la Convention sur les enfants secourus par la nation (protégeant notamment les enfants sans père), après lequel rien n’a été fait, et il annonce la création d’une société protectrice de l’enfance, il donne d’autres nouvelles, d’une société d’approvisionnement et de consommation, à Pantin, de la chambre syndicale des ouvriers tailleurs de Paris ;
une fausse nouvelle, celle donnée par certains journaux et selon laquelle des rédacteurs de la Marseillaise quittaient le journal ;
celui-ci ouvre une « Tribune du commerce parisien » qui commence par publier une lettre d’un petit boutiquier qui rappelle qu’entre les ouvriers et les petits commerçants, il y a communauté d’intérêts et de misère ;
un article de Dubuc au Creuzot… qui est déjà paru dans le numéro du 5 mars ;
je passe la revue de presse (comme j’ai passé les Échos) ;
ainsi que le Bulletin du travail, les communications ouvrières, l’annonce des réunions publiques ;
dans les « Faits divers », une femme battue (et tuée) par son mari, un gamin dont les vêtements prennent feu (et qui meurt) et quelques autres nouvelles pas plus drôles ;
et, oui, il y a un compte rendu analytique, sans Schneider mais avec Favre ;
et les habituelles rubriques finales. Et nous nous contenterons aujourd’hui des nouvelles de Pélagie.
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La couverture est extraite de mon habituel et favori plan de Paris, on y voit Sainte-Pélagie, entre la (toujours) caserne de la place Monge et le (toujours) jardin des Plantes.
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