Comme le dit Lissagaray, 

Au lieu de présenter une défense collective ou de rentrer dans un silence qui aurait sauvé leur dignité, les accusés passèrent la parole aux avocats. Chacun de ces messieurs tira de son côté pour sauver son client, même aux dépens de celui du confrère.

Voici donc la liste de ces avocats, avec les noms des accusés qu’ils défendent — et quelques commentaires.

Me Marchand, désigné d’office, défenseur de Ferré. — Mais Ferré s’est défendu seul, comme il l’avait décidé.

Me Bigot, défenseur d’Assi. — Dont je vais parler un peu plus bas dans cet article et dans le suivant.

Me André Rousselle, défenseur d’Urbain.

Me Boyer, défenseur de Billioray.

Me Deschard, assisté de Me Caraby, défenseur de Jourde.

Me Denis (de Versailles), défenseur de Trinquet.

Me Georges Lachaud, défenseur de Champy. — Il s’agit du fils de Me Charles Lachaud (qui figure ci-dessous). Le mode de défense adopté par son client au cours du procès, peut-être sur son conseil, doit être complété par cette information: Louis Henri Champy a déclaré, en 1875 et en Nouvelle-Calédonie, ne pas pouvoir signer un recours en grâce « sans faillir à ses principes, en sa qualité d’ex-membre de la Commune ».

Me Dupont de Bussac, défenseur de Régère. — Vous avez sans doute reconnu le défenseur « du 31 octobre » qu’appréciait tant Gustave Lefrançais (voir notre article du 23 février). Il était le doyen des défenseurs et, à ce titre, il a pris la parole, au nom de tous, sur les questions de droit (ne pas oublier que ces messieurs les militaires jugent, mais n’ont jamais étudié le droit). 

Me Coulon, défenseur de Lullier. — En réalité c’est Me Marchand qui a prononcé sa défense.

Me Renaut (ou Renaud, ou plus vraisemblablement Renault), défenseur de Rastoul. — Nous aurons à le mentionner à nouveau dans un prochain article, parce qu’il s’est donné la peine d’abonder dans le sens de Gaveau, commissaire du gouvernement, contre l’Association internationale des travailleurs, ce qui n’était pas vraiment indispensable, puisque de toute façon Rastoul n’avait rien fait…

Me de Sal, défenseur de Grousset.

Mes Hubert Vallereau et Manchon, défenseurs de Verdure. — Non seulement on n’a pas vu Vallereau intervenir, mais en plus, Augustin Verdure a été défendu, « conformément à l’article 110 du code de justice militaire », par un de ses amis, Élie Ducoudray. En lequel vous reconnaissez l’un des auteurs des articles sur les crèches parus au Journal officiel les 15 et 17 mai — voir nos articles du 14 mai et du 17 mai — mais le conseil de guerre ne le reconnaît pas, il ne connaît pas ces articles, merci à Victor Bunel (auteur de la prétendue « réimpression » du JO). Et, si vous avez lu Comme une rivière bleue, vous savez aussi qu’Élie Ducoudray est plus qu’un ami pour Augustin Verdure puisqu’il va, dans quelques semaines, épouser sa fille Maria.

Me Laviolette, défenseur de Ferrat. — Paul Laviolette a défendu ensuite d’autres fédérés en conseil de guerre, nous le retrouverons donc certainement dans de prochains articles.

Me Thiron, défenseur de Descamps. 

Mes Gatineau et Delzant, défenseurs de Clément. — Gustave Courbet a écrit, avant la fin du procès, le 28 août, une lettre chaleureuse à Louis Gatineau (que j’ai déjà mentionnée dans un article ancien où l’on trouvera des détails sur Courbet dans ce conseil de guerre), qu’il appelait « citoyen » dans laquelle il disait notamment: 

On ne comprend pas que pour une cause aussi juste et aussi inoffensive, tant d’hommes aient dû être massacrés et tant d’autres menacés dans leur liberté.

Et qu’il signait, « accusé fédéré à Versailles ». 

Me Lachaud, défenseur de Courbet. — Courbet a aussi écrit à son avocat, qui était un avocat d’assises, célèbre, réputé et bonapartiste, si célèbre qu’il avait même défendu Troppmann (guillotiné en janvier 1870), et laissez-moi vous dire qu’il s’est contenté de réaffirmer qu’il n’avait rien à se reprocher et à le remercier poliment en l’appelant « Monsieur ». Lissagaray dit de Lachaud qu’il était l’avocat du Figaro et le confident de l’impératrice.

Me Albert Joly, défenseur de Parent.

Voilà pour la liste. J’ai annoncé que je reparlerais de Léon Bigot. Par transition avec les lettres de Courbet, je dirai que, si celui-ci a écrit à son avocat et à Me Gatineau, c’est un dessin qu’il a envoyé à Léon Bigot, celui qui sert de couverture à cet article, « Les Fédérés de la Conciergerie », et je renvoie à l’article déjà mentionné. Au procès, Léon Bigot a défendu Assi, bien entendu, et a donc parlé des grèves du Creusot de 1870 (voir notre série sur La Marseillaise) et a d’ailleurs fait « murmurer » le public, ce qui lui a permis de donner une petite leçon… de droit. Je cite le compte rendu du procès:

Me Bigot relève cette accusation, reproduite contre lui, que son client a suscité des grèves au Creusot. Son client n’a rempli là qu’un acte honorable, en s’opposant à l’omnipotence de M. Schneider (Murmures).
Me Bigot: Ces murmures, monsieur le Président, indiquent que si, dans notre beau pays, nous avons la passion qui agite les foules, nous n’avons aucune notion du droit; car, quand bien même l’homme que je défends ne serait pas couvert par la présomption légale d’innocence, il est couvert, pour les affaires du Creusot, par l’autorité de la chose jugée; et le magistrat qui l’a déclaré non coupable, M. Brunet, est un de ces hommes qui unissent le savoir à l’indépendance et qui honorent le siège qu’ils occupent.

C’est lui qui a contesté les compétences de l’expert en écriture qui avait validé le faux « Flambez finances » (voir notre article précédent). Il a protesté parce qu’une pièce nouvelle avait été introduite vers la fin du procès, il a appuyé les défenseurs d’Augustin Verdure et surtout… il est brillamment intervenu à propos de l’Association internationale des travailleurs. Mais ceci, et le rôle qu’on a voulu faire jouer à cette association, ce sera dans notre prochain article.

Livres cités

Lissagaray (Prosper-Olivier)Histoire de la Commune de 1871, (édition de 1896), La Découverte (1990).

Troisième conseil de guerreProcès des membres de la Commune, Versailles (1871).

Chu (Petra ten-Doesschate)Correspondance de Courbet, Flammarion (1996).