De Maria Verdure, dont j’ai fait un des personnages de Comme une rivière bleue, je ne savais (je ne sais toujours) pas grand chose. Je connaissais la requête de « l’Éducation nouvelle », publiée dans le Journal officiel (que j’ai publiée ), les deux articles sur les crèches (oubliés dans la prétendue « réimpression » du même journal, que j’ai publiés ici et ).
Et l’état civil.
Voici son acte de mariage, que je cite (en vert) avec mes commentaires (en noir):

Du Sept Septembre [c’est novembre, comme le confirment les autres actes du registre] mil huit cent soixante et onze à trois heures du soir à trois heures du soir [le scripteur était-il troublé? Cette répétition nous incite à accorder de l’importance à cette heure. En effet, les (seize!) autres mariages célébrés ce jour-là à la mairie du onzième l’ont tous été le matin. Il est probable qu’on ne voulait pas d’affluence inutile à la mairie pour celui-ci]. Acte de mariage de Charles Élie Ducoudray, sans profession [ici nous reconnaissons un des co-auteurs, avec Maria, de l’article sur les crèches… il était professeur], demeurant à Paris, rue d’Enfer, 61, quatorzième arrondissement [et nous nous souvenons qu’il a été brièvement maire du quatorzième arrondissement, après le 4 septembre], né à Issoudun (Indre) le vingt cinq mai mil huit cent trente deux [il a donc 39 ans], majeur, fils de François Élie Ducoudray, décédé à Issoudun, et de Marie Virginie Ouvré-Villiers, sa veuve, sans profession, âgée de quarante cinq ans [cela semble peu probable!…], demeurant à Clamecy, consentante par acte passé devant Me Rolland, notaire à Clamecy.
Et de Maria Iphigénie Glorvina Verdure, sans profession, demeurant à Paris avec ses père et mère, rue Sainte-Marie du Temple, 8 
[cette rue du onzième arrondissement — on se marie « chez » l’épousée — s’appelle aujourd’hui rue de la Présentation (… de Marie au temple, je suppose)], née à St-Folquin (Pas de Calais) le 16 juin 1849, majeure, fille de Augustin Joseph Verdure, ancien instituteur, âgé de quarante cinq ans et de Caroline Louise Henriette Masson, son épouse, âgée de quarante cinq ans, présente et consentante [il s’agit bien de Caroline Verdure, qui a été traînée dans la boue par Le Gaulois il y a quelques semaines, et accusée d’organiser des orgies dans les locaux même où se déroule cette cérémonie]. Le père demeurant momentanément à Versailles [élégant, non? il est emprisonné, il a été condamné par le conseil de guerre à la déportation: il demeure momentanément à Versailles. Il n’y est peut-être plus, ce 7 novembre, puisque sa condamnation a été confirmée en cassation le 12 octobre. Il s’agit bien d’Augustin Verdure, élu à la Commune par cet arrondissement, et qui a lui-même célébré de nombreux mariages dans cette même mairie.] consentant par acte passé devant Me Loir, notaire à Versailles. Les pièces produites, paraphées et annexées sont les actes de naissance des époux, l’acte de décès du père de l’époux, le consentement de sa mère, celui du père de l’épouse, les certificats de publications faites et affichées aux onzième et quatorzième arrond de Paris les dimanches huit et quinze octobre derniers, desquelles pièces il a été donné lecture, ainsi que du chapitre 6, titre 5, livre 1er du code civil. Les époux et la mère de l’épouse interpellés par nous en exécution de la loi ont dit qu’il a été fait un contrat de mariage reçu par Me Mas, notaire à Paris le 6 de ce mois ainsi qu’il résulte du certificat ci-annexé.
Interpellés de nouveau et séparément, les époux ont déclaré se prendre pour mari et femme et nous, Claude Philippe Mourey, adjoint au maire du XIe arrondissement de Paris, chevalier de la légion d’honneur [ce monsieur, nommé à la mairie après la Commune, était, selon sa fiche à la légion d’honneur, un « industriel » de 65 ans habitant rue de la Fontaine-au-Roi] attendu qu’il n’y avait pas d’opposition avons déclaré au nom de la loi que Charles Élie Ducoudray et Maria Iphigénie Glorvina Verdure sont unis par le mariage. Fait publiquement en l’hôtel de la mairie en présence de Martin Nadaud âgé de cinquante six ans, ancien représentant du peuple [il avait été élu député de la Creuse en 1849, certainement il avait des liens, au moins maçonniques, avec Augustin Verdure — c’est une loge maçonnique qui a annoncé le mariage dans la presse, c’est-à-dire dans Le Radical –, et il s’affirmait, par cette présence, solidaire — il n’était pas si anti-communard qu’on a pu le dire, voir aussi cet article, il a été élu quelques jours plus tard (le 26 novembre), conseiller de Paris par le quartier (proche) du Père Lachaise] demeurant à Montrouge, Seine, ami, de Émile Ducoudray, employé, âgé de quarante ans, rue de Lallier 4, frère de l’époux, de Alfred Patrice, négociant, âgé de quarante trois ans demeurant à Lille, Nord, ami, de Féix Ducoudray, étudiant en médecine [le troisième auteur de l’article sur les crèches] âgé de vingt neuf ans, demeurant à Paris rue Picpus 82. Lecture faite du présent acte, les parties et témoins l’ont signé avec nous.

Et ces signatures forment l’image de couverture du présent article.

Il est vraisemblable qu’il n’y a pas eu une grande fête après cette cérémonie. Je vous rassure, ce mariage a été exclusivement civil, la presse le dit. La « presse aboyante » aboie. Voici Le Figaro du 10 novembre:

La voiture de la mariée, dit la Liberté, suivie de cinq voitures de place, est arrivée à trois heures un quart devant la mairie, dont les abords étaient occupés par une foule considérable. Mademoiselle Verdure, âgée de vingt-deux ans, est une brune presque jolie, svelte, dégagée, portant la toilette de mariée avec beaucoup de grâce et ne paraissant nullement embarrassée de l’attention dont elle est l’objet. Elle est accompagnée d’un monsieur âgé d’une soixantaine d’années, de sa mère et de ses deux petites sœurs [?]; fort gentilles tontes les deux.
Les invités étaient fort nombreux, et la salle des mariages avait peine à les contenir. La lecture de l’acte de mariage concernant le consentement des parents a donné lieu à un petit Incident. Quand on a entendu ces mots: … « et de M. Verdure, actuellement à Versailles… » plusieurs femmes se sont mises à pleurer. On aremarqué également qu’un grand nombre de femmes appartenant à la classe ouvrière avalent affecté de se revêtir d’habits de deuil. M. Patrice, négociant, et Nadaud, ancien représentant, ont servi de témoins à la mariée qui porte trois prénoms dont deux fort étranges: Maria-lphigénie-Glorvina. Elle avait une robe de satin blanc à queue, garnie de cygne, et un magnifique bouquet à ia main. Vous voyez que la famille Verdure n’est pas d’un égalitarisme enragé. Après ça, sous la Commune, toutes les mariées auront peut-être des robes garnies de cygne.

Je n’ajoute pas de commentaire et vous raconte la suite dans l’article suivant.

À suivre, donc

Sources

L’acte de mariage est aux archives de Paris.

Audin (Michèle),  Comme une rivière bleue, L’arbalète-Gallimard (2017).