Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain. 

16. Lundi 3 janvier 1870

Rochefort continue à ironiser sur le personnel politique, car le gouvernement a été formé ;

gouvernement dont Habeneck donne la liste des membres, accompagnée du commentaire que cela n’a aucune espèce d’importance ;

une souscription pour rendre sa vache à Gambon est lancée, mais attention, une souscription vraiment républicaine, on ne peut pas donner plus de 1 franc, une première liste de souscripteurs est là, sur la première page, un à un tous les rédacteurs, mais aussi d’autres, le compositeur Charles de Sivry (qui sera bientôt le beau-frère de Verlaine), et des journalistes d’ailleurs, Chassin, Félix Pyat et tous ceux du Rappel… ;

Arthur Arnould conclut son « Courrier politique » par « Année 1870 — voilà tout ce que l’année 1869 a laissé à l’empire » et il ne croit pas si bien dire ;

Flourens continue à évoquer la campagne du Mexique ;

la ville de Paris s’apprête à céder toutes les canalisations d’eau à la Compagnie générale des eaux ;

les Anglais aussi commentent le ministère Ollivier ;

Victor Noir se souvient qu’Émile Ollivier, qui est maintenant ministre de la justice, a été autrefois suspendu comme avocat pour outrage au tribunal ;

le discours de Millière à la réunion publique de la rue de Flandre commencé hier se poursuit aujourd’hui, c’était bien long, mais a été écouté avec attention et calme, et Rochefort en félicite les auditeurs, il y a encore des discours et des considérations générales, on crie Vive Rochefort et on se sépare ;

les « Éphémérides républicaines » en sont au 2 janvier ;

dans les « Réclamations et abus », Francis Enne rapporte le trait d’audace inouï d’un prêtre s’introduisant de force et troublant l’agonie d’un mourant ;

un premier article de Raoul Rigault, qui fait le portrait de la carrière d’un magistrat ;

dans les tribunaux, on traite d’infractions au règlement des réunions publiques [le texte se trouve dans un article « réunions publiques » préalablement paru] et aussi d’un prêtre condamné pour attentat à la pudeur ;

dans « La vie du travailleur, Jacques Vignaud conseille de laver entièrement les nouveaux-nés quatre ou cinq fois par jour, à l’eau froide et en frictionnant, il parle aussi d’une nourrice chez qui les enfants meurent en masse…

Pour aujourd’hui, je ne garde qu’un entrefilet. Il est difficile d’ignorer les commentaires antisémites que l’on trouve chez beaucoup d’auteurs — j’ai signalé par exemple une pointe dans un article d’Humbert dans un journal de Vallès, qui, lui-même… — « les juifs » assimilés à quelques gros banquiers — ou petits usuriers ; il est encore plus difficile d’ignorer les écrits théoriques racistes de Tridon, oui, le communard, oui, celui de l’Affiche rouge, rassemblés et publiés après sa mort par ses camarades blanquistes… Bref, j’ai été très agréablement surprise par ce petit article, paru « aujourd’hui » dans ce qui est quand même le journal de Rochefort — qui sera plus tard, dans un de ses combats douteux, un champion anti-dreyfusard. Un article court, mais clair.

 

Une interpellation a eu lieu à la Chambre de Bucharest sur la question des juifs. Le pays roumain a peur de l’envahissement croissant des israélites, il veut les expulser ; — le gouvernement ne veut pas.

Cette nouvelle n’est pas sans importance. Elle nous montre à quel degré de sottise et d’abrutissement peut arriver un peuple qui n’a jamais su se soustraire au protectorat humiliant de pays comme l’Autriche et la Turquie.

Ceux-là aussi ont besoin qu’une nouvelle révolution française leur apporte le mépris des préjugés et des superstitions. Dire qu’il y a en Europe un coin où des hommes ne sont pas frères parce qu’ils sont de religions différentes ! C’est à désespérer de la nature humaine. Mais ne nous lassons pas, et unissons-nous pour démolir à jamais l’ancien édifice. Les juifs de Bucharest ne s’en iront pas, espérons-le, et ils continueront à porter la prospérité dans ce malheureux pays que dévore, comme la vermine, toute une tourbe de princes et de courtisans.

ERNEST LAVIGNE

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L’image de couverture vient de la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg via Gallica, là.

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Le journal en entier et son sommaire détaillé, avec la Tribune militaire de Flourens et la question sociale de Millière, sont ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).