Auguste Vermorel, journaliste et membre de la Commune élu par le dix-huitième arrondissement est déjà apparu plusieurs fois sur ce site.

Il est né en 1841.

Journaliste socialiste sous l’Empire, il a été plusieurs fois arrêté, condamné. Il a écrit des livres sur « Les Hommes de 1848 », « Les Hommes de 1851 », « Le Parti socialiste », publié des œuvres de Danton, Marat et Robespierre.

Il y perdit une modeste aisance et y gagna de nombreux procès et d’interminables emprisonnements.

Écrit un folliculaire versaillais. L’accusation de « mouchard » lui fut lancée d’abord par Rochefort, qui se rétracta après la chute de l’Empire, lorsqu’il fut possible de consulter les dossiers.

Sa participation au 31 octobre aurait pu être évoquée dans un des articles consacrés à cet événement. Il fut emprisonné quatre mois pour cette participation. Jugé en février, il fut acquitté. Après sa libération et la fin du siège, découragé, il partit en province.

Nous l’avons vu élu à la Commune le 26 mars.

Il s’est battu à Asnières avec Dombrowski début avril.

Nous avons lu son journal L’Ami du peuple, nous l’avons vu se battre au Fort d’Issy, voter contre le Comité de Salut public, puis signer le manifeste de la minorité.

De même que les autres « minoritaires » ont été écartés des postes de pouvoir qu’ils occupaient, il a alors été écarté de la Sûreté.

Nous l’avons vu accompagner Albert Theisz à l’Hôtel des Postes au début de la Semaine sanglante, se battre chaussée de Clignancourt et boulevard Ornano avec Dombrowski le 23 mai, enterrer Dombrowski le 25, se battre et se faire blesser sur la barricade du Château d’Eau le même jour, perdre du sang ensuite,  nous avons récapitulé ses faits et gestes et ceux de ses camarades ce jour…

Sa blessure l’a mené dans une prison versaillaise où on l’a laissé mourir. Il est mort le 20 juin, deux jours avant d’avoir trente ans.

Je ne connais qu’une seule photographie de lui, celle dont Félix Vallotton s’est inspiré pour le portrait qu’il a fait de Vermorel et que j’ai déjà utilisé. Mais il y a d’autres portraits que photographiques…

Le grand pâle aux pommettes saillantes,

dit Maxime Vuillaume, et encore

dans sa longue lévite noire de prêtre.

Et notre folliculaire:

C’est une de ces figures qui se reconnaissent entre mille: une tête ronde sur un grand corps, de petits yeux au milieu d’une large figure, une moustache presque rousse sur des joues légèrement bouffies, un sourire fin et moqueur errant continuellement sur une bouche assez grande, voilà le physique. — Au moral, il est plein de douceur et d’affabilité, mais, dès qu’il prend la plume, il se transforme et devient acariâtre, emporté et souvent cruel dans ses polémiques. Son désintéressement est connu comme aussi la simplicité de sa vie.

Sa parole, d’une vivacité inouïe, qui tourne presque au bredouillement, l’empêche d’exprimer avec ordre et clarté les idées si nombreuses et si diverses qui affluent dans son cerveau et en font un orateur détestable, dont on suit difficilement les idées et la parole.

Lissagaray semble du même avis sur les qualités d’orateur de Vermorel:

L’air de la bataille sociale le ranima; il se livra à corps perdu. Plus actif et laborieux qu’aucun, il ne sortait du Conseil que pour aller aux avant-postes. Le bruit de sa mort courut plusieurs fois. Malgré cet heureux accord de sens droit et de bravoure, il ne pouvait gagner d’autorité. Son extérieur le tuait. Trop grand, gauche, timide, avec une figure et des cheveux de séminariste, d’une parole précipitée qui semblait se battre avec sa pensée, il n’avait aucune faculté d’attraction.

Avec un remords, lors de l’enterrement de Dombrowski, au Père Lachaise le 24 mai:

Vermorel, le frère du général, ses officiers et deux cents gardes environ sont debout, tête nue. « Le voilà, s’écrie Vermorel, celui qu’on accusait de trahir! Il a donné un des premiers sa vie pour la Commune. Et nous, que faisons-nous, au lieu de l’imiter? » Il continue, flétrissant les lâchetés et les paniques. Sa parole, embrouillée d’ordinaire, court, échauffée par la passion, comme une coulée de métal fondu: « Jurons de ne sortir d’ici que pour mourir! » Ce fut sa dernière parole; il devait la tenir. Les canons à deux pas couvraient sa voix par intervalles. Il y eut bien peu de ces hommes qui ne pleurèrent pas.

Honte sur le Versaillais, qui écrit aussi:

Vermorel paraissait, à ce moment [après le manifeste de la minorité], découragé et dégoûté de la politique menée par la Commune, il essaya encore une fois un journal, où sa position l’empêchait de signer, La Justice, et de faire entendre à ses collègues la voix de la modération, mais ceux-ci répondirent à ses conseils en supprimant le journal. Vermorel parcourut alors les avant-postes et se porta aux endroits les plus exposés, dans l’intention évidente d’y trouver la mort qui n’a pas voulu de lui et qui l’a encore épargné dernièrement, puisqu’il est aujourd’hui, quoique blessé, l’un des rares survivants de cette Commune.

Ainsi, c’est de sa faute si Vermorel a été blessé. Et quand il mourra, ce sera de sa faute aussi.

(à suivre)

*

J’ai copié un détail de la photographie dans un album de photos de « célébrités » (les communards sont à la fin…) ayant appartenu à Pasteur Vallery-Radot, sur Gallica.

Livres utilisés

Clère (Jules), Les Hommes de la Commune, biographie complète de tous ses membres, Dentu (1871).

Vuillaume (Maxime)Mes Cahiers rouges Souvenirs de la Commune (avec un index de Maxime Jourdan), La Découverte (2011).

Lissagaray (Prosper-Olivier)Histoire de la Commune de 1871, (édition de 1896), La Découverte (1990).